Papa, le combat pour la vie by Jean-François Chambon

Auteur:Jean-François Chambon
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Books on Demand
Publié: 2020-02-15T00:00:00+00:00

Repos forcé

Comme maman l’avait prévu, papa a largement surestimé son énergie à la sortie de l’intervention. Le planning quasi militaire défini avant la première intervention est particulièrement mis à mal. La fatigue et les vagues de douleur gèrent les journées de papa, ou plus exactement, elles dictent son emploi du temps.

Pas de sport, mais il continue de se lever au plus tard à 5 h 30 du matin. La séance de gymnastique est remplacée par de la méditation, avec plus ou moins de succès. La sieste ajoutée par maman est sans doute la seule partie de l’emploi du temps pleinement respectée.

− C’est bien, tu as dormi.

− Juste reposé un peu.

− Tu ne dormais pas? Il me semblait pourtant…

Maman ne peut retenir un léger sourire en posant la question.

− Je ne dormais pas, je réfléchissais profondément…

Je glisse discrètement à maman.

− C’est bien lui…

− Oui, ils n’ont pas touché au cerveau…

Pour autant, pas question de rester totalement inactif. Au grand désespoir de maman qui le pousse à se reposer davantage, il se traîne pour faire des lessives et des travaux ménagers. Papa veut participer, pas question de la laisser tout faire. Après quelques jours, papa commence à prendre conscience de son état. Je dirais plutôt que son corps se rappelle à lui. Si le planning militaire est complètement oublié, un agenda moins contraignant le remplace.

Sa journée est totalement décalée vers le petit matin. Je l’entends se lever avant 4 heures du matin. À 5 h 30, le petit-déjeuner est déjà loin derrière et la porte d’entrée se referme sur lui. Cette marche si conseillée par les médecins commence. Si ses principales occupations à la maison restent la lecture et l’écriture, la sieste est de plus en plus régulièrement supprimée. Non pas par manque de fatigue, mais dans l’espoir d’arriver suffisamment fatigué le soir pour retrouver un sommeil nocturne satisfaisant. Depuis son retour, la nuit complète est devenue un concept légendaire, une licorne dont tout le monde parle sans être jamais parvenu à l’observer. Souvent la lumière du salon s’allume vers 1 h 30 du matin. Il saisit son ordinateur portable et s’installe pour commencer à écrire. Régulièrement, la chance est redonnée au sommeil. Si à 4 heures les bras de Morphée restent croisés sans l’accueillir, la nuit est considérée comme terminée. Il n’est plus question d’aller se recoucher… une question de génération, j’imagine, de mon côté ça ne me gênerait pas du tout.

Parfois, la folie de l’écriture le saisit et le maintient éveillé pendant la plus grande partie de la nuit. Dans ces moments rares, il s’autorise l’impensable… une grasse matinée. Attention, elle n’a pas le même sens pour lui que pour moi. Traduisez par : vers 4 heures, épuisé, il retourne se coucher pour se lever vers 5 h 30. C’est là que je peux partager un café de l’aube avec lui, un moment privilégié pour lui lancer toutes les questions qui me passent par la tête.

− Dis, papa, à quoi tu penses quand tu ouvres les yeux, le matin?

− Pendant

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